La période Cathare


Le moine Henri à Verfeil


Après l'ébranlement mystique de l'an 1000, nombreux furent les propagateurs de doctrines religieuses nouvelles dérivées du christianisme ou s'opposant violemment à lui. Un des plus célèbres hérétiques, au douzième siècle, fut le moine Henri qui s'était installé à Verfeil vers l'année 1140 et y avait fait de nombreux adeptes tant dans le peuple que parmi les seigneurs qui avaient tous embrassé sa doctrine.
En effet, la campagne toulousaine est peuplée d'une foule de paysans vivant misérablement sur un sol qui n'arrive pas à nourrir une population qui vient de connaître une forte poussée démographique. Ces paysans sont de plus, l'objet de tracasseries fiscales de la part des établissements religieux, fort riches, propriétaires des terres. Enfin, les nobles sont eux mêmes en lutte constante avec l'Eglise qui voudrait leur faire restituer les biens et revenus écclésiastiques dont ils sont souvent détenteurs et ils voient dans le renversement de l'église en place un moyen de s'emparer définitivement des biens convoités.
Ce que dit Henri a donc beaucoup d'écho d'autant plus que si l'expansion économique du comté de Toulouse a engendré une société fondée sur l'argent, les pauvres se dressent contre cette civilisation du profit. Il a une voix puissante, sait flatter les foules et son allure ajoute à son succès car au contraire des riches représentants de l'église, il arrive pieds nus et en loques. Se séparant délibérément de l'église il " rejetait l'utilité des sacrements et des prières, n'admettait pas les prières pour les morts, les cérémonies publiques dans les temples ". Il proclamait idolâtres les adorateurs de la croix et affirmait, bien avant Calvin, le principe de la prédestination, ajoutant une dénonciation agressive de la richesse du clergé
L'esprit de pauvreté qui anime tous les réformateurs de cette époque est poussé au plus au point par les " parfaits " cathares, considérés comme des " bons hommes ", véritables témoins de l'enseignement du Christ et de ses apôtres. Henri avait fait de Toulouse son point d'attache, propagea sa doctrine dans toute la région. C'est ainsi qu'ayant trouvé à Verfeil un terrain favorable à ses semailles spirituelles, il s'y fixa durant quelques mois et en convertit la majorité des habitants.

L'Eglise se défend : St Bernard à Verfeil


Alarmé par les progrès de l'henricisme, le pape Eugène II envoya dans le " pays contaminé " le cardinal Albéric, l'évêque de Chartres et saint Bernard, abbé de Clairvaux. Celui-ci confiant en son éloquence âpre, se rendit seul à Verfeil qui, écrit l'évêque de Chartres " contenait autant de partisans des doctrines hérétiques que d'habitants ".
Espérant ramener à l'orthodoxie " les brebis égarées ", l'abbé de Clairvaux alla dans l'église pour y prêcher. A peine avait-il commencé, les principaux seigneurs sortirent avec des haussements d'épaules et des ricanements. Par moutonnerie, crainte ou accord, le peuple les imita. Saint Bernard tenace et sûr de lui, suivit la foule et, sur la place publique, continua de l'haranguer. Les seigneurs s'égaillèrent mais revinrent bientôt dans l'intention de décourager par l'obstruction railleuse, le zélé prédicateur. Saint Bernard se retira alors après avoir articulé cet anathème: " Verfeil ....cité de la verte feuille... que Dieu te dessèche. "

La Légende


La belle légende, rapportée par Guillaume de Puylaurens, veut que les effets de l'anathème aient été - durant sept années, supportés par Verfeil et les terres qui l'environnent. Les arbres seraient demeurés sans vie et les chevaliers, morts tous de mort violente après avoir été réduits à la misère. Quelle qu'en puisse être la cause, il est certain que Verfeil souffrit après 1147, d'une longue sécheresse, car les archives du Bourg-Saint-Bernard nous confirment  que les habitants de la cité henricienne étaient dans l'obligation d'aller avec des charrettes chercher l'eau dans des outres à une fontaine du Bourg portant le nom de Fount Baler.Après sept années, le courroux divin s'étant apaisé, les arbres se couvrirent à nouveau d'une végétation luxuriante. Le premier arbre qui se vêtit de feuilles dit la légende, fut un figuier.C'est pourquoi les armes de la ville portent un arbre de cette espèce s'accrochant à un sol aride et dénudé.

L'Albigéisme : St Dominique à Verfeil


Le châtiment infligé à Verfeil ne changea nullement les dispositions de ses habitants en matière de religion. Henri avait semé l'hérésie. Les Albigeois en récoltèrent les fruits. Et les seigneurs Pons Jordan et Arnaud Arifat étaient avec la population verfeilloise, au début du treizième siècle, de zélés admirateurs des " parfaits ".
Un saint religieux avait, soixante ans auparavant, vainement essayé de réconcilier avec l'Eglise, les disciples du moine italien. Un autre saint, Dominique, l'implacable inquisiteur espagnol, se rendit, en 1206 à Verfeil pour confondre les défenseurs du catharisme. Il était soutenu par l'abbé de Citeaux, Pierre le Vénérable et Diégo Ajebez, évêque d'Osma. Les trois missionnaires se présentèrent aux portes, en cilice et pieds nus, afin d'opposer aux accusations portées contre le goût ecclésiastique d'un luxueux confort, un vivant démenti. Malgré leur puissance dialectique, ils ne purent avoir raison de leurs adversaires.
Comme l'avait fait avant lui l'abbé de Clairvaux, Dominique repartit furieux et demanda à Simon de Montfort de faire payer aux Verfeillois leur entêtement impie.

Verfeil devient une baronnie archiépiscopale


Simon de Montfort, fait comte de Toulouse par le Concile de Latran - tandis que Raymond VI, vaincu à Muret, restait maître de sa bonne ville - donna à Foulques, évêque de Toulouse et à ses successeurs le " Château de Verfeil avec une vingtaine de villages en dépendant sous la redevance d'un chevalier armé en cas qu'il y eût guerre dans le pays " (1214-1215).
Le traité de Meaux (1229) signé par le comte de Toulouse, définitivement vaincu, et Blanche de Castille, confirma la donation faite par le chef des agresseurs du Nord, au prélat toulousain: " Je laisse, écrit Raymond, Verfeil et le village de Las Bordes à l'évêque de Toulouse et au fils de Raymond de Lyliers, conformément au don que le feu roi Louis et le comte de Montfort leur en ont fait, à condition toutefois que l'évêque de Toulouse me rendra les devoirs auxquels il était tenu envers le comte de Montfort. " En 1279, à la suite des contestations royales et de justifications archiépiscopales, Philippe III le Hardi reconnut les droits de l'archevêque par une charte donnée à l'Hôpital-les-Corbeil